Le voyage, une source de confiance pour les jeunes issus.es de milieux précaires

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Rédaction: Eva Milko, Good Vibes Strategy
Quatre jeunes filles qui discutent assises dans un train.

« La confiance suppose de notre part que l’on s’abandonne et que l’on renonce à nos propres croyances. Autrement dit, pour aider les adolescents à grandir et à réaliser leurs projets, il faut croire en eux, ce qui suppose de les aimer beaucoup. »

– Michel Fize, Antimanuel de l’adolescence

Dans les cultures traditionnelles, les pratiques éducatives peuvent parfois être rigides et valoriser la soumission à l’autorité plutôt que la communication et la bienveillance. Selon la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers, les jeunes, peu écoutés.es et pris en compte, peuvent développer un sentiment d’infériorité et douter d’eux.elles-mêmes. Mais cela peut également entrainer des conflits dans les familles et dégrader la confiance des jeunes dans leurs parents, surtout lorsque s’ajoute un écart culturel important.

Vivre dans un milieu défavorisé peut contribuer à augmenter ces problématiques. En effet, le manque d’accès à des ressources financières et culturelles, la stigmatisation sociale nourrit chez les jeunes un sentiment d’être « moins » que les autres. Ce phénomène est particulièrement prononcé à l’école où les parents renoncent parfois à s’investir à cause de la barrière de la langue, d’après Stéphanie Deslauriers.

Mais les jeunes en situation de précarité sont également exposés.es à des problématiques de confiance vis-à-vis des autres adultes qui les entourent. Plus sujets.tes à des problématiques comportementales, plus en difficulté à l’école ou susceptibles de tomber dans la délinquance, les ados issus.es de milieux défavorisés entretiennent souvent des relations tendues avec leurs éducateurs.

Nourrir leur estime d’eux.elles-mêmes tout en les aidant à développer une relation de confiance avec les adultes de leur entourage est ainsi fondamental pour leur assurer un développement harmonieux.

La confiance : une dimension essentielle de la construction de l’identité des ados issus.es de milieux défavorisés.es

Un des enjeux les plus importants à l’adolescence et la quête de soi. Qui suis-je ? Quelles sont mes valeurs ? Quel avenir pour moi ? Les adolescents.es doivent apprendre à se connaître, à se définir.

Or, l’identité, qui est la représentation que nous avons de nous-mêmes, est intimement liée à la confiance en soi.

Lorsqu’un.e adolescent.e se sent sécurisé.e, qu’il.elle a appris à se connaître, qu’il.elle a confiance en ses compétences et qu’il.elle a développé un sentiment d’appartenance, il.elle devient plus capable de mettre à profit ses capacités et de vivre des réussites, ce qui alimente son estime personnelle.

Dans le cas contraire, il.elle risque de :

  • Se sentir incompétent.e, peu digne d’amour et de respect.
  • Développer de l’anxiété et de la dépression.
  • S’isoler socialement pour ne pas subir le regard des autres.
  • Se désengager de l’école par peur de participer en classe ou de demander de l’aide. Ce problème est d’autant plus néfaste que les ados précaires sont plus susceptibles de connaître des difficultés scolaires que leurs pairs plus aisés.es.
  • Tomber dans des addictions ou des comportements risqués ou violents pour essayer de créer un sentiment d’appartenance ou une fausse confiance en soi.
  • Avoir des difficultés à mettre en place des limites saines avec les autres et s’exposer ainsi à des relations toxiques.
  • Perdre espoir en leur avenir et les entrainer dans un cercle vicieux où les ados évitent les défis et les opportunités, ce qui peut les entraîner dans des échecs auto-réalisateurs.

Le voyage, un moyen essentiel de reprendre confiance en soi pour les ados en situation de précarité

Lorsqu’ils.elles font un voyage en Auberge de jeunesse, les adolescents.es venant de milieux précaires sont amenés.es à faire de nouvelles expériences en découvrant des régions méconnues, en se lançant des défis ou en collaborant sur des projets artistiques ou environnementaux. Stéphanie Deslauriers affirme ainsi que les jeunes trouvent, grâce à cela, une occasion de repousser leurs limites et de se découvrir de nouvelles compétences, ce qui les valorise et les aide à mieux se connaitre.

Le voyage leur offre également un cadre différent dans lequel il est plus facile de s’ouvrir aux autres mais aussi de créer des liens avec les membres de la communauté d’accueil. Loin de la pression et des attentes de leur milieu habituel, les ados peuvent ainsi d’être davantage eux.elles-mêmes.

Jeune garçon souriant à l'objectif.

De plus, les réflexions et les décisions que les ados sont amenés.es à prendre dans la construction de leur projet de voyage, les poussent à dialoguer avec les autres. En s’entrainant à communiquer et à défendre leurs points de vue face à leurs pairs avec calme et respect, les jeunes apprennent progressivement à faire confiance en leur jugement tout en s’ouvrant à l’opinion des autres.

Cette prise de confiance leur permet d’améliorer leurs habiletés de communication et à développer leur empathie. Ils.elles deviennent ainsi d’avantage capables de s’engager de manière authentique dans leurs relations avec les autres et de former des amitiés saines et significatives. Ces compétences sont d’autant plus importantes qu’un enfant sur trois issu de milieu défavorisé présente des vulnérabilités lors de son entrée à l’école dans au moins une sphère de son développement (compétences sociales, maturité affective, habiletés de communication etc).

Le jeune acteur québécois Antoine Desrochers dit ainsi de lui lorsqu’il a appris à communiquer de manière non violente à l’adolescence : « C’est tout un travail de développer un langage émotionnel mais ça a changé ma vie. J’ai pu mettre des mots sur ce que je vivais, l’expliquer aux autres et mieux relativiser leurs réactions parce que nous sommes tous des êtres émotionnels ».

Mais, selon Stéphanie Deslauriers, les succès vécus lors de leur voyage peuvent également aider les adolescents.es issus.es de milieux défavorisés à s’axer sur d’autres aspects de la vie que la réussite académique. En se découvrant de nouvelles passions, les ados reprennent confiance en eux.elles et peuvent ainsi vouloir s’orienter vers des domaines d’études et d’emplois qui leur correspondent et les motivent. Grâce à cela, ils.elles peuvent être plus enclins.es à fournir les efforts nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs professionnels.

Trois jeunes heureux qui se tiennent par les épaules.

Le voyage :  un moyen de créer une relation de confiance envers les adultes pour les adolescents.es issus.es de milieux défavorisés.

« Il ne faut pas se leurrer, la confiance n’est pas le résultat d’une bonne relation avec l’autre, elle en est la cause. N’oublions pas que la confiance tisse des liens plus forts que la suspicion et l’autoritarisme. Les adolescents ont besoin que l’on s’intéresse à eux, pas qu’on les surveille constamment, où qu’ils soient. »

– Michel Fize – Antimanuel de l’adolescence

Lorsque les familles acceptent de laisser partir leurs enfants dans un voyage en Auberge de jeunesse, les ados reçoivent le message que leurs parents acceptent, temporairement, de renoncer à leur pouvoir de contrôle. Cette confiance, parfois nouvelle, est une source d’épanouissement pour les adolescents.es qui voient leurs parents ainsi accepter leur prise d’autonomie. De plus, le voyage peut être une occasion pour les jeunes en situation de précarité de développer de meilleures relations avec leurs éducateurs.rices.

Fabrice Vil, cofondateur de l’organisme Pour 3 points, recommande ainsi aux coachs sportifs qui ont affaire avec des jeunes issus.es de milieux défavorisés « C’est impossible de développer la confiance de quelqu’un si tu le punis tout le temps ».

Ces relations tendues peuvent ainsi contribuer à diminuer l’engagement scolaire des jeunes alors qu’ils.elles sont déjà sujets.tes à plus de difficultés que leurs pairs aisés.

Grâce à la mise en place d’une communication authentique et respectueuse avec les adultes qui les accompagnent dans leur projet de voyage, les jeunes développent peu à peu une relation de confiance avec eux.elles.

« Traiter quelqu’un avec confiance et respect, c’est du même coup créer un environnement pacifié et, finalement, créatif.  Pour transmettre cette confiance, il faut que l’éducateur fasse preuve d’écoute attentive et de confiance inconditionnelle. »

– Michel Fize, Antimanuel de l’adolescence

À travers un projet de voyage positif et valorisant, les ados apprennent à s’ouvrir aux adultes et à s’investir, ce qui participe à leur bien-être et leur épanouissement.

Pour Stéphanie Deslauriers, « Le voyage est un contexte formidable pour se reconnecter à soi, sortir de sa zone de confort et déployer ses forces. Et tout ceci contribue au développement d’une bonne estime personnelle. »

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