« Il est vraiment dommage qu’il n’existe pas de possibilité pour tous les adolescents d’aller vivre ailleurs que dans leur famille. »
– Françoise Dolto, « La cause des adolescents »
La prise d’autonomie est un élément clé de l’adolescence, assurant l’épanouissement et la construction de l’identité des jeunes. Pour des ados issus.es de milieux défavorisés qui sont parfois confrontés.es à des défis complexes, cet enjeu peut être vital. En effet, ils.elles sont souvent sujets.tes à des difficultés d’accès à l’éducation, à des ressources limitées et à des perspectives d’emploi réduites. Devenir autonome physiquement, psychologiquement, économiquement et socialement devient alors un moyen essentiel de s’épanouir indépendamment de leur milieu social. En rassemblant les jeunes autour d’un projet de voyage, nous leur offrons une occasion unique de développer leur autonomie pour partir à la rencontre de leur propre identité et prendre leur envol, au-delà de leur milieu d’origine.
Le voyage : une occasion de partir à la rencontre de soi pour les jeunes en situation de précarité
Les adolescents.es ont un besoin fondamental de se démarquer des adultes pour construire leur personnalité. En voyageant, les jeunes ont la possibilité de se confronter à d’autres réalités qui leur permettent de mieux se comprendre eux.elles-mêmes et de prendre conscience de leurs compétences et de leurs limites. Loin de la supervision de leur famille, ils.elles trouvent une occasion de pouvoir décider par eux.elles-mêmes de ce qu’ils.elles veulent faire, d’expérimenter les risques et les conséquences de leurs actes et, progressivement, de prendre des décisions plus éclairées.
D’autre part, le voyage provoque chez les adolescents.es des émotions fortes, allant de l’excitation à l’anxiété et à la nostalgie. En faisant face à ces émotions tout en étant loin de leur foyer, les jeunes développent leur autonomie émotionnelle et prennent confiance en leur capacité à gérer leurs comportements face aux défis de la vie. Ces compétences sont particulièrement cruciales pour les enfants issus de milieux défavorisés, dont 1 sur 3 présente des vulnérabilités lors de son entrée à l’école dans au moins une sphère de son développement (compétences sociales, maturité affective, habiletés de communication etc).
Aussi, en s’éloignant de leurs parents, les ados vivant en milieu précaire trouvent un moyen de se distancier des émotions et des idées de leur milieu pour mieux affirmer les leurs.
Le voyage est également une occasion d’adhérer à un groupe de pairs avec lequel les ados vont établir des liens d’amitié, ce qui peut également contribuer à leur prise d’autonomie. En effet, appartenir à un groupe de pairs développe le sentiment d’appartenance, ce qui permet de se détacher du monde des adultes. Grâce à cela, les jeunes sentent qu’ils.elles ont moins besoin de leurs aînés.es car leurs amis.es peuvent leur offrir un appui en cas de difficulté et les aider à chercher des solutions.
Leurs pairs contribuent également à la définition de leur identité, en leur donnant la possibilité de se comparer aux autres, dans leurs ressemblances et leurs différences. En effet, les ados ont à la fois besoin de ressembler à leurs amis.es pour se définir mais aussi d’être uniques avec leurs propres différences, qualités et défis personnels et relationnels.
Enfin, pour vivre en groupe, les jeunes doivent collaborer et participer activement à l’avancement de leur projet de voyage, ce qui les aide à se décentrer d’eux.elles-mêmes et de s’ouvrir d’avantage aux autres.
Le voyage en Auberge de jeunesse est particulièrement propice à cette prise d’autonomie « collective ». En vivant un projet de voyage avec leurs amis.es, les jeunes issus.es de milieux défavorisés peuvent ainsi faire partie d’un groupe différent de leur famille d’origine sans pour autant la renier.
Le voyage, un moyen de reprendre sa vie en main pour les ados issus.es de milieux défavorisés
« Être autonome, c’est décider de ses activités et de ses conduites en fonction du sens que l’on veut donner à sa vie. »
– Michel Fize, Antimanuel de l’adolescence.
En intégrant un projet de voyage, les jeunes précaires gagnent progressivement en autonomie. Confrontés.es à des défis plus complexes que leurs pairs plus privilégiés, ils.elles deviennent capables de mieux comprendre leurs aspirations profondes, de prendre des décisions éclairées, et de faire des choix bénéfiques à long terme.
« Pour s’en sortir, il faut disposer très tôt de ressources en soi et pouvoir bénéficier des mains tendues ou tuteurs de résilience. »
– Boris Curylnik
Selon la théorie de Boris Cyrulnik, un tuteur de résilience est « une personne, un lieu, un événement, un objet, une œuvre d’art qui provoque une renaissance du développement psychologique après un traumatisme ». Le voyage, événement positif qui favorise les rencontres, peut représenter une formidable opportunité de faire connaissance avec des tuteurs de résilience.
Ces tuteurs peuvent ainsi leur montrer d’autres voies possibles mais aussi la détermination nécessaire pour surmonter les obstacles de la vie. Savoir rebondir après un échec est en effet une qualité essentielle pour réussir dans un monde en constante évolution.
De plus, l’organisation d’un voyage avec leur classe permet aux jeunes de développer des compétences en communication, en résolution de problèmes et en gestion de projet. Grâce à ces nouvelles aptitudes, ils.elles gagnent en confiance en eux.elles-mêmes et en leur capacité à saisir les opportunités qui se présentent. Ainsi, en participant à la construction d’un projet positif dans le milieu scolaire, les jeunes développent une autre relation avec l’école, ce qui peut influencer positivement leur investissement scolaire et leur réussite professionnelle.
Progressivement, ils.elles peuvent doucement se libérer de la dépendance envers leur milieu d’origine tout en gardant un lien émotionnel avec lui. En effet, les jeunes ont besoin de rester en connexion avec leurs parents, d’être aimés.es et en sécurité pour s’ouvrir à d’autres mondes. Pour des jeunes souvent issus.es de la diversité, il s’agit d’un point essentiel pour naviguer harmonieusement entre leurs cultures d’origine et d’accueil.
L’écrivaine Kim Thùy disait ainsi à propos de la communauté vietnamienne : « Au début, c’est un appui, une ressource comme pour beaucoup d’immigrants ou de réfugiés et puis tranquillement ça devient moins important, parce que chacun se construit un réseau. »
Cette prise d’indépendance est particulièrement cruciale pour des jeunes vivant dans des milieux défavorisés, car les familles précaires peuvent parfois être piégées dans un cercle vicieux de défavorisation intergénérationnelle, où les difficultés des parents entravent les chances de réussite des générations suivantes.
Enfin, en donnant aux jeunes précaires la possibilité de développer leurs compétences et de s’épanouir pleinement, la société favorise l’émergence de futurs.es professionnels.les qualifiés.es mais aussi sensibles aux difficultés des autres et engagés.es pour leur communauté. Cela contribue à créer une société plus juste, équitable et solidaire, où chaque individu a la possibilité de réussir indépendamment de son origine sociale. En investissant dans l’autonomie de ces jeunes, nous bâtissons un avenir plus prometteur et égalitaire pour tous.tes.
« Comme le dit l’adage : Les voyages forment la jeunesse, mais encore faut-il que la jeunesse ait cette opportunité de voyager. Soyons équitables en aidant les jeunes issus.es de milieux défavorisés à accéder au voyage, un formidable tremplin vers leur prise d’autonomie et leur développement personnel. »
– Nathalie Parent, Psychologue